G E R H N U

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Gouverner à l'hôpital ?

"Il y a deux sortes d'arbres : les hêtres et les non-hêtres"

Raymond QUENEAU

 

Peut on encore diriger l'entreprise "Hôpital" ?

Diriger l'établissement public de santé, et pour aller où?  Le sujet est sensible, à manier avec précaution. D'ailleurs, le vocabulaire pour désigner le sujet se veut de plus en plus soft quand la notion de "direction" est enrobée de celle de "gouvernance".

 

Qui exerce la direction? c'est le directeur... ça c'est très bien.

Qui exerce la gouvernance? c'est le gouverneur... ça, c'est la classe.

 

Nous connaissons tous le feuilleton de la réforme de la gouvernance hospitalière; pour les praticiens actuels, sauf pour les plus jeunes, la loi du 31 juillet 1991 n'est pas un lointain souvenir. Elle a fait suite à une longue période de stabilité institutionnelle mais elle n'était que le prélude à une série de réformes pilotées depuis par treize ministres de la santé dans vingt et un cabinets successifs (valeurs octobre 2013). C'est cette loi de 1991 qui, comme Pandore, a ouvert la boite qu'il ne fallait pas et a marqué le début de l'inflation du pouvoir administratif à l'hôpital. Les déceptions s'accumulent.

Plan hôpital 2007 (lancé en 2002), plan hôpital 2012 (lancé en 2007), loi HPST du 21 juillet 2009... et les ajustements ne sont pas terminés car la feuille de route "Stratégie nationale de santé" du 23 septembre 2013 annonce encore que les lignes vont bouger. Le décret du 20 septembre qui retouche le rôle des CME est une illustration récente (encore insuffisante) de la nécessité de corriger le dispositif. Mme Touraine annonce "un renouveau de la gouvernance hospitalière qui permette une mobilisation de toute la communauté hospitalière" (sic). Ca ferait du bien.

Les hésitations sont la règle et la bonne position du curseur n'est pas encore trouvée.

 

¦¦¦

 

La situation actuelle découle de la loi HPST (Mme R. Bachelot Narquin). Quelles pistes s'offraient en 2009 pour inspirer les auteurs de cette loi? De quels éléments disposaient les députés pour apprécier la qualité des options alors retenues? Le rapport Vallencien "Réflexions et propositions sur la gouvernance hospitalière et le poste de président du directoire", publié le 10 juillet 2008 , fait partie de ces apports à la réflexion.

Mme Bachelot, qui a sollicité ce rapport, ne pouvait certainement pas l'ignorer.

 

a) Que disait le rapport Vallencien sur le directoire et sur le directeur, président du directoire?

On peut lire sans se lasser le § "Le sens des mots" page 15 du rapport.

Le rapport Vallencien propose un directoire composé de 5 à 7 membres dont aucun n'est élu ni ne représente un corps particulier; avec un président nommé par le conseil de surveillance (!), un directeur général, un directeur médical médecin, deux autres médecins nommés sur proposition de la communauté hospitalière, un directeur financier, un DRH, tous nommés par le conseil de surveillance sur proposition du président du directoire. Le directoire est souverain dans son management. Il ne comprend aucun élu. Aucun membre du conseil de surveillance ne peut faire partie du directoire et vice versa.

Mais, déception, le rapporteur se prend à douter de ses propres rêves :

"Une telle organisation exposerait à un changement culturel profond et brutal..."

et aussitôt le rapporteur se reprend de courage:

"Mais en choisissant des solutions édulcorées on s'expose à maintenir ou à créer des structures non adaptées à leur vraie fonction. En appeler au "service public" pour nous dédouaner d'établir un modèle d'organisation de soins adapté à son temps... est contreproductif et pourrait exposer à des conséquences sociales graves".

Les auteurs de la loi ne peuvent pas dire qu'ils n'étaient pas prévenus.

 

b) Un an après ce rapport, de quoi a accouché la loi HPST? Et que vit-on cinq ans après la loi HPST?

Un  directoire de 7 à 9 membres présidé par le directeur qui n'est pas nommé par le conseil de surveillance (?), le président de la CME (un élu...), et des membres (en partie) nommés par le directeur après information (!) du CS (article L6143-7-5 du CSP). Bref, les exemples sont légion, l'inspiration venant du Code de Commerce est visiblement revendiquée mais la mutation est restée au milieu du gué, inachevée. Le directeur est doté de pouvoirs bien plus brutaux que ceux qui résulteraient des préconisations du rapport Vallencien.

Et pourtant, il y avait dans ce rapport tous les ingrédients pour réussir; le rapport s'est appuyé sur la consultation de 108 "experts" (majoritairement du monde de la santé) mais comprenant en particulier 22 managers d'entreprises - capitaines d'industrie - surtout privées, hors monde de la santé. Hélas, ce sont encore les idées des cabinets, des officines et des serviteurs qui inspirent la législation actuelle.

 

De nouveau, prêtons attention au vocabulaire employé par la loi (art L 6143-7 du CSP):

- le directeur est compétent... ça ne se décrète pas et même une loi ne peut en décider;

- le directeur dispose d'un pouvoir... ça, c'est vrai ;

- le directeur exerce son autorité... ça non plus, ça ne se décrète ni ça ne se légifère;

Il faudrait se limiter dans ces différentes affirmations à invoquer la notion de pouvoir.

A quoi reconnait-on les idées provenant des cabinets? A ceci que le pouvoir devrait tenir lieu d'autorité. Expliquons: le pouvoir peut se donner à une personne nommée par ledit pouvoir; l'autorité ne se transmet pas de la même façon!

Un tel en a, il est reconnu; un autre n'en a pas, il n'en aura peut être jamais.

 

c) Que pourrait dire le plan imaginaire "Hôpital 2017" ? Le blog du Gerhnu y contribue.

Si l'actionnaire de l'hôpital (l'Etat) voulait prendre soin de son bébé, il s'arrangerait pour que le conseil de surveillance nomme (ou soit consulté pour nommer) à la tête du directoire une personne qui fasse autorité dans l'hôpital. Il en existe dans la plupart des hôpitaux mais il ne s'agit pas forcément du directeur, ou dans certaines villes, pas du tout du directeur. Le président du directoire ne devrait pas obligatoirement être doté du statut de directeur. La CME ou le comité d'entreprise devraient avoir une autonomie, une stature suffisantes pour faire émerger les talents indispensables à l'épanouissement de l'hôpital.

C'est pour ça que Pandore a probablement eu raison d'ouvrir la boite. Maintenant, il faut aller jusqu'au bout. Et le plus vite sera le mieux.

 

 ¦¦¦

 

Qui a le pouvoir? c'est le tout puissant.

Qui a du leadership? c'est le leader.

Qui exerce l'autorité? la place est vacante.

Qui a autorité? si on cherche, on le trouve.

 

GERHNU , 07 octobre 2013

 


13/10/2013
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Quels choix pour l'Hôpital de demain?

extrait de la synthèse des journées du GERHNU de 2012

On peut dire que l’hôpital de demain plus qu’aujourd’hui se devra d’être le pivot de
l’expertise collective et de la haute technicité mais dans un autre mode relationnel que la forme
hégémonique qu’il avait hier et qui est encore aujourd’hui résiduelle. En effet, c’est dans le plein
exercice de l’autonomie – avec son corolaire, la responsabilité assumée individuellement et
collectivement – que l’hôpital trouvera pleinement sa place, à condition aussi que ce soit dans le
respect mutuel de l’ensemble des professionnels de santé amenés à concourir aux soins de
chacun des patients. La restauration des valeurs éthiques est donc bien au centre de l’avenir des
activités de soins et de l’hôpital, même si les usagers et les professionnels de santé y seront moins présents.
Les enjeux organisationnels sont au fonctionnement fluide d’un dispositif complexe en respectant la répartition des rôles de chacun des différents acteurs et des structures sur un territoire de santé donné, et ce pour une prise en charge globale performante de chaque Personne, ce qui passe parune réflexion stratégique spécifique, menée par l’ensemble des partenaires. Cette dynamique repose par définition sur une analyse fine et réaliste des évolutions probables de la population et des progrès de la science, ensemble de données dont l’anticipation n’est jamais trop précoce pour opérer en temps et sans violence les adaptations nécessaires.
Même s’il est toujours hasardeux d’être visionnaire, on peut avancer que l’hôpital de demain aura
moins de bureaux, moins de lits et des lieux d’intervention de soins remodelés. Il y aura partout plus d’« intelligence » au sens informatique du terme : information, imagerie, robotique, domotique, … et moins de « papiers » inutiles souvent générateurs de dysfonctionnements, parfois majeurs !
Une grande partie de l’hôpital sera probablement virtuel et « hors les murs ».


23/09/2013
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